Les réseaux sociaux, moteurs du printemps arabe ?

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi s’immolait par le feu dans la ville de Sidi Bouzid en Tunisie. Cet événement est aujourd'hui considéré comme le début du printemps arabe. Que s'est-il passé ensuite et quel a été, et est encore, le rôle des réseaux sociaux dans ces mouvements de contestation ?
 
Il faut noter que dans la plupart des pays traversés par cette vague contestataire, l'accès aux médias et partiellement, voire totalement, censuré. Que ce soit la télévision, la radio ou même Internet, le pouvoir détient les rennes de l'information.
 
L'immolation de Mohamed Bouazizi a donc été relayée par les réseaux sociaux, et notamment Twitter ou Facebook, ce qui a déjà créé une première vague d'unité chez le peuple tunisien, unité qui a éclaté au grand jour dans les jours qui ont suivi la mort de Mohamed Bouazizi, le 4 janvier 2011.
Les jeunes tunisiens se sont rapidement identifiés à ce martyr de la nouvelle génération, comme l'a remarqué le journaliste tunisien Taoufik Ben Brik dans Slate Afrique. La cyberguerre a été déclarée au moment même où Mohamed est mort.
Car il s'agissait bien d'une guerre d'information celle menée sur les réseaux sociaux par les jeunes Tunisiens. Le partage d'informations a été fondamental pour que le mouvement prenne de l'ampleur et passe d'une génération à l'autre. Rapidement, de nombreux groupes Facebook en l'honneur de Mohamed se sont créés. Rapidement, l'information a circulé et a noyé la censure du régime. 
Taoufik Ben Brik remarque aussi que c'est le manque de loisir des jeunes tunisiens qui les a tournés vers le web 2.0 avec la fougue dont nous avons été témoins : "Les nouveaux médias sont un véritable défouloir pour cette frange de la population en mal d'expression. Internet est le relais d'un hymne à l'action".
Les jeunes Tunisiens ont utilisé tous les outils disponibles du web 2.0 pour relayer toutes les informations qui donneront lieu à la chute du régime de Ben Ali. Les réseaux sociaux ont été les plus utilisés, mais les blogs, Youtube et d'autres services n'ont pas échappé à la vague contestataire.
 
Si les réseaux sociaux sont sans doute le moyen grâce auquel l'information a été relayée dans toute la Tunisie et, par rebond, dans le monde entier, ce qui a donné lieu à des interactions entre les tunisiens et les citoyens d'autres pays, la raison de la vague contestataire n'est pas toujours attribuée à la mort de Mohamed Bouazizi.
Dans son article Le printemps arabe et les réseaux sociaux, Félix Marquardt met l'accent sur le rôle de Wikileaks et des révélations faites par Julian Assange sur les abus du clan Ben Ali en Tunisie. Ces révélations auraient créé un sentiment d'orgueil chez les tunisiens quelques semaines avant l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, ce qui transparaîtrait dans les statistiques du site Bitly de cette période qui aurait vu un pic de fréquentations.
Dans tous les cas, comme le montre ce tweet cité par le Los Angeles Times de la romancière tunisienne installée en Californie Laila Lalami, le rôle le plus important a tout de même été joué par le peuple tunisien : « S’il vous plaît, arrêtez d’attribuer le renversement de Ben Ali à Wikileaks ou Twitter ou YouTube. C’est le peuple tunisien qui l’a fait.»
Le blogueur Nicolas Vanbremeersch confirme : « C’est un mix de blogs, de YouTube, de Twitter et de Facebook (moins) qui a permis la transmission, principalement à des media (ou assimilés, des leaders d’opinion ultra connectés en ligne). Surtout, c’est une révolution qui trouve ses fondamentaux tellement ailleurs (faim, répression, corruption, inégalités…) que la place des media sociaux dans cette page d’histoire devrait moins nous intéresser que ce qui va maintenant advenir... ».
En somme, il est indéniable que le printemps arabe a eu lieu grâce aux réseaux sociaux et que probablement sans eux il n'aurait pas existé, mais il ne faut pas oublier qu'il a avant tout été un mouvement populaire.

[Source : Journal du net]

Sur le(s) même thème(s) :