Hadopi : la première suspension d'accès prononcée

Selon nos informations, un tribunal d’instance de Seine-Saint-Denis vient d’infliger une suspension de 15 jours en plus de 600 euros d'amende à un abonné. Le jugement a été rendu fin mai. Fait notable, seules une ou deux œuvres sont en cause, a-t-on appris. L’abonné en question n’avait toutefois pas donné suite aux avertissements de la Hadopi et ne s’est pas davantage déplacé à l’audience. L’information nous a été confirmée par la Commission de protection des droits de la Hadopi.


L’affaire n’est pas définitive. Le jugement du tribunal de police doit être rédigé puis signifié à cette personne. Celle-ci aura alors 10 jours pour faire appel. En attendant, cette décision toute récente n’est pas exécutoire. Il faudra du coup savoir s’il y a ou non appel devant la Cour d’Appel de Paris.

Une décision qui tombe au mieux dans l'agenda

Dans un cas comme dans l'autre, la décision tombe au mieux pour Aurélie Filippetti. En marge d’une conférence organisée par la Coalition française pour la diversité culturelle, la ministre nous a confirmé lundi à Paris la fin prochaine de la suspension. « Le décret est dans la boucle, il doit recueillir l’avis du Conseil d’État. » Ce jugement est un vrai miracle qui permettra ainsi à la ministre d'insister sur la nécessité de supprimer cette peine complémentaire.

 

Un seul texte administratif permettra d’éteindre juridiquement la suspension prévue par la loi. Comment ? L’article L335-7-1 du Code de la propriété intellectuelle institue la peine complémentaire, mais cette loi renvoie à un décret le soin de prévoir les cas d’application. C’est l’objet du décret du 25 juin 2010 sur la « contravention de négligence caractérisée » qu’il suffira d’amender.

Une suspension improbable techniquement

Opportune dans l’agenda, l’affaire jugée dans le 93 est encore intéressante juridiquement, car, si un tribunal a pu infliger cette peine, cela ne signifie pas que le FAI pourra la mettre en œuvre ! On évoque trop souvent la suspension de l’accès à internet. Mais ce raccourci est trompeur. Conformément aux textes, le FAI devra en effet ne bloquer que « les services de communication au public en ligne » et pas le reste.


Concrètement, si l’accès au web doit bien être suspendu, les correspondances privées (mail, messagerie privée, etc.) la TV et la téléphonie devront être conservées. L’impossibilité d’un tel filtrage avait été soulignée par le président de la CNIL lui-même dans son avis sur le décret précité. « Tous les opérateurs ne disposent pas des capacités techniques pour effectuer une telle suspension sélective » commentait pudiquement Alex Türk dans ce document qui fut sollicité dans une de nos procédures CADA. 

 

Questionnée sur la faisabilité de la suspension en mai 2011, la Hadopi s’en était tirée par une pirouette : « C’est au juge qu’il appartient de prononcer la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne et d’en déterminer les contours au regard des circonstances du dossier. L’intervention de la commission de protection des droits de l’Hadopi se limite donc à informer le fournisseur d’accès de la peine de suspension prononcée par le juge, à l’encontre d’un de ses abonnés, afin qu’il la mette en œuvre. »

 

[Source  : PC Inpact]


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