L'Assemblée vote à l'unanimité contre le filtrage d'Internet

Enfin une bonne nouvelle pour les libertés publiques - menacées - en France ! Les députés ont voté dans la nuit de jeudi à vendredi un amendement supprimant un article de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Celui-ci permettait le filtrage d'Internet en France sans décision de justice, mais aucun décret d'application n'avait encore été publié. En 2004, le ministre (de l'Intérieur puis de l'Économie) Nicolas Sarkozy avait promu la mesure, et c'est aujourd'hui une députée UMP qui l'a fait supprimer. La bataille a été rude : Laure de la Raudière, élue de l'Eure-et-Loir et ingénieure des télécoms de formation, a dû affronter... le gouvernement socialiste, qui a maintenu un avis défavorable à l'amendement jusqu'à quelques minutes du vote.

Finalement, le texte anti-filtrage a été voté à l'unanimité par la trentaine de députés présents vers minuit : une belle victoire, même si le Sénat et l'Élysée pourraient mettre encore leur grain de sel. La députée assume la suppression d'un texte voté par son propre parti il y a presque une décennie : "Il avait été adopté dans un contexte où l'usage d'Internet était moins généralisé, où la réflexion sur le filtrage était moins mature", nous confie Laure de la Raudière, vendredi matin. Une façon diplomatique de se désolidariser des décisions de l'ancien président sur le numérique.

Message fort contre Manuel Valls

Au moment où l'actuel ministre de l'Intérieur socialiste, Manuel Valls, poursuit la politique sarkozyste de contrôle d'Internet, le signal lancé par les élus est un message fort, pour la Place Beauveau comme pour l'Élysée. "Je suis confiante sur le fait que le gouvernement ne va pas revenir au Sénat sur une disposition votée à l'unanimité par l'Assemblée", ajoute Laure de la Raudière. La députée s'est battue jusqu'au dernier moment dans les couloirs de l'Assemblée cette nuit, allant jusqu'à alerter Benoît Hamon et signaler au rapporteur la position surprenante du gouvernement.

Selon nos informations, le cabinet ministériel de Benoît Hamon n'avait simplement pas saisi la portée de l'amendement sur le secteur numérique, dont il n'est pas spécialiste. Il se serait contenté de l'avis de l'administration, laquelle aurait répondu, en substance, que l'article 18 pouvait toujours servir...

La Loppsi toujours là

Malgré cette victoire, la fin du filtrage de l'Internet en France n'est pas pour demain. Comme le rappelle PC INpact, la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) prévoit, dans son article 4, la censure des contenus au nom de la lutte contre la pédopornographie. Le gouvernement socialiste serait sur le point de publier le décret d'application de cet article, au coeur de la loi elle aussi promue par Nicolas Sarkozy. Le PS, qui avait voté contre la Loppsi dans son ensemble, s'apprête donc à permettre la mise en oeuvre de l'une de ses mesures-clés. "Le changement d'attitude des mêmes personnes une fois qu'elles sont au pouvoir est intolérable pour les Français", dénonce Laure de la Raudière, qui n'avait pas soutenu l'article 4 de la Loppsi malgré les pressions de son parti.

Les lois sur le filtrage d'Internet ont déclenché à l'étranger de graves dérives : des gouvernements démocratiques (Australie, États-Unis, Grande-Bretagne, Autriche, etc.) ont inclus dans leurs listes noires des sites ne correspondant pas aux objectifs des lois de censure. Par exemple, la liste noire australienne dévoilée par WikiLeaks contenait des sites politiques, médicaux et, évidemment, WikiLeaks. Et ce ne sont pas les scandales d'espionnage par les gouvernements dévoilés ces dernières semaines qui vont assainir le débat sur les libertés en ligne...

 

[Source : Le point]


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